Par Florian BERCAULT

 

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« Notre maison brûle mais nous continuons à alimenter le feu ». Telle pourrait être la phrase introductive du discours de François Hollande en décembre 2015, lors de la 21e Conférence des Parties (COP21) à la Convention Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC), qui se tiendra à Paris.

Depuis 2002 et le célèbre regard porté vers l’ailleurs dénoncé par Jacques Chirac, alors Président de la République, à l’occasion du IVe Sommet de la Terre de Johannesburg, la communauté internationale n’a en effet non seulement pas su arrêter l’incendie, mais ses membres ont également pu adopter, malgré les réunions au sommet, les sommets de crise et les déclarations de bonne intention, des comportements de pyromanes.

Le premier volume du cinquième rapport du Groupe d »experts intergouvernemental sur l »évolution du climat (GIEC), paru en septembre 2013, atteste à nouveau de l »évolution dramatique du changement climatique. Ce rapport confirme la hausse de la température moyenne à la surface du globe, l’élévation du niveau des océans et l’accélération de la fonte des glaciers.

Ainsi, beaucoup d »espoirs se portent sur la Conférence Paris Climat 2015 dont l »objectif est de maintenir le réchauffement en dessous de 2°C par rapport aux températures du début du XXe siècle.

 

Une prise de conscience sans actions

 

La prise de conscience par les dirigeants mondiaux de l »urgence climatique est certes acquise depuis 1979, année de la première conférence mondiale sur le climat. Tous les pouvoirs décisionnaires de la planète s’accordent désormais à dire que la situation est critique. Mais il reste – aujourd’hui comme depuis trente-cinq ans – à transformer ce consensus en actes et à le décliner en feuille de route mondiale.

Le Protocole de Kyoto, conclu en 1997, est l »acte de référence dans la lutte contre le réchauffement climatique. Acte devenu avant tout célèbre par les réticences multiples – et pour certaines, notamment nord-américaines, extrêmement symboliques – à le signer, à le ratifier, ou à l’appliquer. Ce Protocole n’engageait par ailleurs ses signataires que jusqu’en 2012, et seulement quelques pays industrialisés ont prolongé les objectifs jusqu »en 2020.

Certes, malgré l »échec des négociations climatiques pour prolonger ce Protocole pour tous ses signataires, tous les pays participants ont accepté en décembre 2011, en Afrique du Sud, de s »inscrire dans un accord international de réduction des émissions de gaz à effet de serre, qui devra être adopté en 2015, pour une entrée en vigueur à partir de 2020. Reste à savoir si cet accord sera réellement conclu, et surtout avec quel contenu, et quels engagements chiffrés.

 

Vers un accord mondial pour l »après 2020 ?

 

A Paris, les 195 Parties à la Convention lors de la Conférence vont devoir se mettre d »accord sur une feuille de route précise avec des objectifs juridiquement contraignants, un plan d »action détaillé adossé à des mesures de financement. Un long bras de fer est attendu entre les pays industrialisés et les pays émergents.

Les enjeux sont multiples :

  • L »accord mondial se fera avec toutes les parties, ou ne se fera pas. Le consensus ne pourra être trouvé sans l »application du principe d »équité, prenant en compte l »histoire et les capacités de chacun. Les engagements doivent être réciproques mais justes. Ils ne seront forts et actés par tous que s’ils sont acceptables pour chacun. Le consensus ne pourra par ailleurs être trouvé sans que les Etats-Unis ne s »emparent pleinement des négociations. Barack Obama a à ce titre un combat dur à conduire en interne contre les réticences de son Congrès et le poids des lobbies.
  • Le principe du consommateur-payeur doit trouver sa place à côté de celui du pollueur-payeur. On évoque en effet souvent la sobriété énergétique des pays européens sans mentionner les importations de bien fabriqués dans les pays qui polluent. La modification du principe de décompte des rejets de CO2 pourrait changer la donne des négociations.
  • L »inclusion de la société civile est une des clés du niveau d’ambition du débat. La société civile, les entreprises, les citoyens doivent s »emparer des questions énergétiques. La jeune génération a grandi dans un monde où le respect de l’environnement et des milieux de vie ont pris leur place dans les consciences, un monde également dans lequel les groupes sociaux spontanés ont pu montrer leur puissance et leur réactivité. L »efficacité énergétique est gage de compétitivité pour nos entreprises. La baisse de la pollution urbaine est gage de meilleure qualité de vie pour les citadins. Il est crucial que la voix de la jeunesse et celle des générations à venir puisse être entendue.

L’Europe devra par ailleurs relever un défi propre, celui d’une position unifiée.

La France s »est déjà donnée pour objectif de réduire de 40% ses émissions de gaz à effet de serre en 2030, et de 60 % en 2040, par rapport à 1990. Elle a choisi de placer la Conférence de Paris sous le signe de « l’exemplarité environnementale ». Mais la Conférence de Paris se tient dans notre capitale. L’exigence d »exemplarité française sera-t-elle partagée par tous les pays européens ? C »est là un enjeu majeur pour la France en tant que pays organisateur, mais surtout pour l »Europe.

Bien que dans le traité de Lisbonne soit affiché un objectif de lutte contre le réchauffement climatique (art. 191 TFUE), les pays européens, qui conduisent des politiques environnementales qui leur sont propres, peinent en effet aujourd’hui à adopter une position commune. L’échec des négociations environnementales de Copenhague en sont une illustration. En 2015, les pays de l »Union européenne doivent saisir l »opportunité d »afficher leur unité, une unité qui a du sens politique, et qui répond à une urgence climatique.

 

Profitons de cette conférence pour imaginer l »avenir

 

Il ne faut enfin pas exclure que la Conférence Paris Climat 2015 soit un nouvel échec. Mais elle constitue une occasion pour la société civile de s’engager dans le débat avec une visibilité accrue, et d’appuyer de tout son poids pour rappeler aux gouvernants que l’ambition est la véritable valeur d’un engagement politique. Alors profitons de cette conférence pour se projeter et imaginer l »avenir, et pour poser sur la table tous les sujets, y compris ceux aujourd’hui perçus comme des tabous.

Débattons de la création d »un statut de réfugié climatique, de la mise en place d »une Organisation Mondiale pour l »Environnement, de l »engagement de la communauté financière, de la place des nouvelles technologies dans les trajectoires de réduction de la pollution, de la répartition des richesses sur le globe.

Au-delà des batailles de chiffres, la Conférence de Paris doit aussi être celle des débats sociétaux mondiaux.

 

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