Jeunesse et éducation, enjeux de la transition écologique – Quels leviers pédagogiques pour sensibiliser les générations futures ?

Par Anne GUÉRIN, Lina JALI, Grégoire POTTON et Philippe WEN

 

Anne Guérin, Lina Jali, Grégoire Potton et Philippe Wen font, à l »occasion de la 12e édition des Mardis de l »Avenir à l »Assemblée nationale, des propositions afin que les deux conditions nécessaires à la mobilisation de la jeunesse pour la transition écologique voient le jour : être consciente des enjeux d’avenir sur lesquels elle doit agir et trouver les moyens d’être entendue des décideurs.

 

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Le développement durable ne peut pas être disjoint de l’avenir des jeunes.

L’ancienne chef du gouvernement norvégien Gro Harlem Brundtland définissait d’ailleurs le développement durable comme « le développement qui répond aux besoins des générations du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs ».

En effet, les choix faits aujourd’hui conditionnent le monde dans lequel les générations futures vivront (climat, biodiversité, ressources énergétiques, etc.). A cet égard, la transition écologique qui doit venir est une responsabilité vis-à-vis des générations futures.

Or, les générations à venir n’ont pas de place dans les mécanismes de décisions politiques. Les enjeux du long terme sont (partiellement) pris en charge par la société civile tandis que les gouvernements doivent aussi répondre aux intérêts du court terme. « Le vieux monde se meurt, le nouveau monde tarde à apparaître » selon les mots de Gramsci : parce que le vieux monde n’a pas prévu de place pour elle, la jeunesse doit faire entendre sa voix pour que le changement soit mis en œuvre.

Cette mobilisation de la jeunesse pour la transition écologique nécessite deux conditions : être consciente des enjeux d’avenir sur lesquels elle doit agir et trouver les moyens d’être entendue des décideurs.

 

Mobiliser la jeunesse par un message intelligible, fédérateur, novateur

 

Faire prendre conscience de l’urgence de la situation à une jeunesse peu mobilisée

 

Selon une enquête BVA, la lutte contre le réchauffement climatique représente 13% des préoccupations des Français (contre 60% pour le chômage).

Le raisonnement est analogue pour les jeunes, avant tout alarmés par des enjeux de court terme (l’emploi, le niveau de vie). La jeunesse est peu mobilisée et n’a pas suffisamment conscience des questions environnementales qui, pourtant, conditionnent son avenir. Les jeunes estiment que les sujets environnementaux sont trop techniques et ne se considèrent pas aptes à les traiter. Il faut donc faire la preuve de l’urgence de la transition énergétique et faire émerger la conscience du pouvoir détenu par les individus. La transition énergétique n’est pas seulement le fait de décisions politiques, elle est aussi celui de choix individuels et collectifs.

La mobilisation de la jeunesse apparaît comme essentielle. Les institutions qui accueillent les jeunes, l’école, les associations, le service civique doivent œuvrer pour l’appropriation des enjeux du changement climatique. La transition énergétique est aussi une transition culturelle : il faut infléchir les comportements.

Les nouvelles générations subissent les conséquences d’un modèle de développement qu’elles n’ont pas choisi. Il faut éviter le conflit générationnel qui se nourrit d’un référentiel passéiste. Il faut envisager un nouveau développement. Il est permis de se projeter dans une économie collaborative, basée sur une énergie autoproduite qui place les Etats sur un pied d’égalité, puisqu’il ne s’agit plus de la détention aléatoire de gisements.

Cette économie collaborative induit un changement de paradigme sur l’idée de posséder. Le capital social et l’expérience prennent le pas sur le capital financier. Le processus est catalysé par une communication horizontale permise par internet.

 

Quels leviers concrets de pédagogie ?

 

Mobiliser les jeunes sur la transition écologique nécessite qu’ils soient formés à ces enjeux et qu’ils prennent conscience de leur urgence : pour agir, il faut comprendre. Cette mission de pédagogie incombe principalement à l’école ; à l’instar d’autres thèmes transversaux (tels que l’égalité entre filles et garçons ou l’éducation à la santé), il s’agit de susciter la prise de conscience, de libérer la parole et de donner les instruments pour trouver des solutions.

Or, en dépit d’actions engagées depuis plusieurs années, l’éducation au développement durable a encore du mal à trouver sa place dans les parcours des élèves : elle dépend en partie de l’engagement des enseignants et des établissements à l’égard du développement durable.

Pourtant, les initiatives locales et concrètes ne manquent pas. En confiant des responsabilités aux jeunes, l’école peut développer l’esprit d’engagement pour la transition écologique. Il reste à développer plus largement les initiatives existantes dans le milieu scolaire, et à les rendre plus systématiques.

A l’occasion de la COP 21, des simulations de négociations sur le climat s’organisent dans un grand nombre d’établissements scolaires et universitaires, permettant aux jeunes y participant de s’approprier les enjeux des négociations. Ailleurs, les élèves et étudiants apprennent  à travers des campagnes de mobilisation dénonçant des investissements aux conséquences néfastes pour l’environnement selon la technique du name-and-shame. On peut enfin envisager que les collèges formulent des propositions ensuite débattues au conseil municipal ou au conseil départemental et participent à leur mise en œuvre au niveau local.

La prise de conscience doit ouvrir sur l’appropriation de comportements responsables. Là aussi, l’apprentissage des bons gestes peut se faire avec l’institution scolaire : tri des déchets, consommation énergétique responsable, préférence pour le manger local et les circuits courts. Ces gestes appris pourront ensuite être relayés dans les foyers.

La sensibilisation à la transition écologique peut s’articuler avec d’autres missions de l’école, comme la préparation aux choix professionnels. La découverte de filières en expansion telles que les énergies renouvelables (qui connaît une croissance annuelle de 8%), l’agriculture durable ou l’économie de partage peut servir ces deux objectifs, à travers la visite d’entreprises ou la réalisation de projets pédagogiques.

Mais la sensibilisation de la jeunesse aux enjeux de la transition énergétique est vaine si cette jeunesse n’a pas l’opportunité d’expression

Pour une jeunesse représentée dans les instances internationales

 

Pour une participation de la jeunesse

 

Les institutions doivent par conséquent laisser parallèlement les jeunes les investir, afin de permettre l’appropriation des enjeux de la transition énergétique. Dans le cadre de négociations onusiennes, ce sont les États qui négocient. La place accordée aux parties prenantes représentatives de la jeunesse est alors faible.

Il faut toutefois noter un effort dans l’organisation de la prochaine conférence de Paris qui prévoit des lieux d’expressions pour la jeunesse. C’est l’occasion de mettre les leaders politiques devant leurs responsabilités, avec un message clair : il ne faut plus parler mais agir.

Si la transition écologique et énergétique se fait par responsabilité vis-à-vis des générations futures, il faut que, dans les mécanismes politiques de négociation, il y ait une représentation des intérêts de ces générations, en contrepoids aux intérêts du court terme.

Les générations futures doivent pouvoir bénéficier d’un rôle décisionnel dans les négociations et ne pas se cantonner à une tribune larmoyante, peu efficace. La jeunesse doit s’incarner en lanceur d’alerte, générer des situations d’exclusivité pour faire entendre les propositions qui conditionnent son avenir.

 

Représentativité de la jeunesse : quels moyens ?

 

Donner voix au chapitre à la jeunesse dans les instances, c’est aussi lui permettre de collaborer, d’échanger et d’agir à l’échelle internationale, de façon analogue à l’objectif d’une collaboration interétatique. Cette collaboration doit surgir d’un mouvement populaire, fédéré autour d’une cause commune.

Déjà, de nombreuses associations permettent à des étudiants de simuler les négociations internationales et de s’engager concrètement.

Susciter l’intérêt est vraisemblablement tâche plus ardue que proposer les modalités de l’engagement. Pour autant le service civique envisage les moyens de la représentation. Le programme « transition énergétique, climat et biodiversité », soutenu par Ségolène Royal et Patrick Kanner, offre un double bénéfice. L’insertion par le gain en termes de compétences et la réponse concrète au besoin d’implication. Les jeunes mobilisés par le service civique engagent une dynamique de développement durable dans les zones rurales et les quartiers. Ils participent ainsi de l’évolution des représentations et des habitudes. La diversité sociale culturelle permet enfin d’aborder selon un prisme non institutionnel les enjeux de la transition énergétique grâce à une relation de proximité avec les habitants.

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